Au milieu de la grande tarte à la crème qui oppose, depuis le début, la peinture à la photographie, il y a une cerise : c’est le portrait. Le portraitiste ancien était condamné par ses clients, par la commande et l’orgueil du besoin d’éternité. L’impératif de la ressemblance passait toujours par le mensonge et parfois la cruauté de l’évidence de la position sociale qui devait apparaître dans tous ces yeux qui voulaient poser un regard sur un futur que le présent garantissait. Le photographe portraitiste lui, comme les cerises et la peinture qui est encore de la peinture a un devoir de vérité, de générosité et de transparence dans la capture d’un instant. C’est ce que fait Christian Chamourat. Il nous montre qui il est, ce qu’il peut, ce qu’il sait des hommes et des femmes. Loin d’immortaliser, il dit l’instant, l’émotion, la peur cachée et dépouille le vieil Homme du rien qui nous habille tous. L’œil de Caïn est battu. C’est une espérance…
— Étienne Roda-Gil
 
 

Christian Chamourat

Né le 4 juillet 1949. Spécialiste du portrait, Christian Chamourat photographie des célébrités du monde du spectacle, des arts, de la politique, des dirigeants d’entreprises et des particuliers. Il compte parmi ses références Air France, American Express, Boursin, Canon, Casino, Essilor, Etam, Gan, Heineken, Helena Rubinstein, Jeff de Bruges, Lafarge, Le Bon Marché, Mac Donald’s, Martell, Nikon, Peugeot, Renault, Saint-Gobain, Valéo. Christian Chamourat a participé à de nombreuses expositions dont les Rencontres Internationales de la Photographie en Arles.

Photo : Christian Chamourat par Christophe Delliere.

 
 

L’art du portrait au service de la marque

La culture photographique du portrait semble relativement inexistante dans les entreprises en France, pourquoi ?

CHRISTIAN CHAMOURAT : Je me suis souvent demandé pourquoi en France on n’aimait pas être photographié. Mon analyse tient au fait que l’on ne reçoit pas, lors de son cursus scolaire, un apprentissage à la lecture et à l’analyse d’une image tout comme on le reçoit pour un texte. Les responsables d’entreprise par exemple que j’ai eu l’occasion de photographier ont un rapport instinctif, intuitif à l’image. En France dans les cercles économiques on a l’habitude de se méfier de l’intuition. L’image peut même faire peur !

Nous vivons pourtant dans un monde submergé d’images ?

CC : Oui parce qu’en communication, l’image est un vecteur souvent plus fort que le texte. La photographie d’un visage communique souvent davantage de choses que les mots pouvant le décrire. Illustrer par exemple la confiance que l’on peut avoir dans une entreprise est beaucoup plus percutant à travers le portrait du dirigeant et de son expression.

Avez-vous vu une évolution de « l’art » du portrait dans les entreprises au cours de ces dernières années ?

CC : L’évolution a été marquante sur le plan technique et esthétique. Sur le plan de l’expression de l’être, peu. Regardez les portraits d’Irving Penn ou de Richard Avedon, ils sont intemporels. L’esthétique doit être un moyen mais jamais un but.

Qu’est-ce que l’on peut raconter avec un portrait aujourd’hui qui n’a pas déjà été dit ?

CC : Il y a toujours une chose à découvrir, c’est la personne que l’on n’a pas encore photographiée. Découvrir quelqu’un et donner à voir ce qu’il est, grâce à la photo. La nouveauté réside également dans une disponibilité importante, le temps de la photo, du photographié et du photographe. Or cela, on l’autorise rarement dans le cadre de l’entreprise. Souvent les entourages des chefs d’entreprise considèrent qu’ils n’ont pas de « temps à perdre » pour une photo. Pour beaucoup de gens, une bonne photo ou image de « soi » se réfère à un « assemblage » de photos vues dans les magazines. Cela n’aboutit jamais à une représentation fidèle mais à une mauvaise photo qu’il faudra refaire très vite. Une séance de photo « sérieuse », constructive où chaque protagoniste est « concentré » produit forcément de bonnes photos qui pourront être utilisées dans divers contextes de communication et qui auront la capacité de fonctionner sur la durée. Et cela ne veut pas dire que la séance durera longtemps !

Comment travaillez-vous le portrait ?

CC : Je travaille de façon très intuitive, sous forme d’un « don » que je vais faire à la personne photographiée pour qu’elle se sente en confiance. Un portrait c’est « matérialiser physiquement une rencontre ». Je cadre souvent assez serré car l’expression d’un visage est principalement dans le regard. Il permet même d’imaginer le sujet en pied. Plus on est proche du regard, plus la personnalité est forte. A contrario la représentation en pied est souvent anecdotique. Chaque personne a un sens et un équilibre. Je me mets au service de cet équilibre. Mon savoir et mon expérience me permettent de réaliser des images qui puissent être compréhensibles et marquantes. Des images qui peuvent nourrir le sens que beaucoup de professionnels de la communication recherchent aujourd’hui pour leur entreprise.

Propos recueilli par Presse Édition, 2010

Christian Chamourat par Stéphane Dennary